THESAURUS - L'objectif, hormis les articles d'images et de sons glanés ou perso, est de constituer une base de données subjective autodidactique et transversale d'extraits de textes littéraires, poétiques.
Entendons-nous bien, je ne suis pas d'accord avec toutes les idées développées dans les textes, mais c'est leur choix et leur juxtaposition ici qui me semble aborder/contourner/recouvrir/dessiner plusieurs sujets qui m’intéressent.

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Soyez indulgents, le blog est tout neuf, j'ai encore pas mal d'archives de base à numériser et/ou transférer, en plus des nouvelles trouvailles.
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20/08/2012

Anne DUFOURMANTELLE - Eloge du risque. - 001


Auteur : Anne DUFOURMANTELLE

Titre original : Eloge du risque.

ISBN : 978-2-228-90642-5
Manuels Payot, Mai 2011
Page 33 et 35.


 Prendre le risque d'être en suspens est quelque peu acrobatique, donc. On admire, au trapèze, la force et la souplesse de ceux qui ouvrent leurs bras dans le vide, et leur façon particulière de tenter le saut. Bref aperçu de l'envol. Pour ce qui est de la philosophie, les qualités attendues sont les mêmes... seulement il n'y a ni chapiteau, ni trapèze, ni personne pour vous rattraper ; on avance à tâtons avec une certaine idée de la vérité pour délimiter l'arène. Suspendre le jugement, de la Grèce à Descartes, c'est le moment de la crisis, le lieu de l'épochè. Du philosopher même. Être en suspens dans une balancelle conceptuelle sans vraiment toucher terre, et choisir de ne pas... Juger, décider, agir. Pas encore, pas tout de suite. Rester aussi longtemps que possible dans cette posture intenable qui vous commande intérieurement d'être en réserve de.... Et ne se fier à aucun concept préfabriqué, prédigéré. Être aussi loin que possible de la pensée figée en postures, en réponses, en certitudes, mais néanmoins penser.Le suspens, c'est une négation de l'action qui serait l'action même, comme l'ont si bien décrit les civilisations d'Extrême-Orient. Suspendre n'est pas attendre, différer par peur ou indécision. Il n'implique pas le passage à l'acte, il peut aussi s'effacer, se dissoudre dans son propre retrait. Il est déjà événement même, dans sa « non action » effective.

(...)

L'imaginaire éveille en général, sous nos latitudes, une méfiance séculaire. On le réduit à l'état de fonction subalterne, d'évasion au rabais pour esprits fatigués. On s'évade, dit-on, dans l'imaginaire. Et dans les plus belles pages de Pascal sur le divertissement, c'est encore sous les attraits de l'évitement de soi, de la fuite hors du monde et des mirages de l'attachement que se donne à penser la faculté d'imaginer. Pourtant, dans ce « suspens » de l'imaginaire se déploie la création comme fonction créatrice et pas uniquement, comme on le croit trop, dans sa capacité de produire de l'illusion, de la chimère, du déni. Dans notre rapport à l'imagination et à la possibilité de suspendre le jugement, c'est la volonté qui se trouve empêchée de passer à l'acte et doit éprouver, dans ce pas du funambule que j'évoquais plus haut, une passivité qui lui serait essentielle.



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